

Pour ouvrir cette sĂ©rie de portraits de nos entrepreneuses et entrepreneurs, nous donnons la parole Ă Anne Kerveillant, fondatrice de My Lubie. FondĂ©e en 2020, My Lubie est une marque de bien-ĂȘtre intime qui propose des produits modernes et agrĂ©ables Ă utiliser pour explorer sa sexualitĂ© librement. My Lubie souhaite normaliser lâexploration sexuelle avec bienveillance et Ă©veiller la curiositĂ© de chacune/chacun. Tout au long de cette interview, nous reviendrons sur le parcours dâAnne, son goĂ»t pour lâentrepreneuriat, le dĂ©veloppement de My Lubie ou encore les blocages et tabous autour du fait dâentreprendre dans la SexTech.
Quâest-ce qui tâa poussĂ© Ă entreprendre ? Le dĂ©clic ? DâoĂč te vient ton goĂ»t pour lâentrepreneuriat ?
Je pense que lâentrepreneuriat, câest avant tout un caractĂšre ! Mon pĂšre et mes deux frĂšres sont entrepreneurs, jâai donc baignĂ© dedans depuis toute petite. Pour tout vous dire, jâai suivi une trajectoire de bonne Ă©lĂšve assez classique : prĂ©pa, Ă©cole de commerce, spĂ©cialisation finance.. Jâai intĂ©grĂ© le master entrepreneuriat, mais je mâennuyais⊠A mon sens, lâentrepreneuriat sâapprend en marchant, et pas sur les bancs de lâĂ©cole ! En parallĂšle de mes Ă©tudes, jâai donc lancĂ© ma premiĂšre boite de jeux de sociĂ©tĂ© avec un associĂ©. Et jâai compris que lâentrepreneuriat, ça sâapprend surtout en courant !
En juin 2019, je rencontre The Family pour participer au programme Gold Up avec lâenvie de monter une nouvelle entreprise. Et lĂ , Alice Zagury mâexplique que je serai intervenante ! En fait, je ne me rendais pas du tout compte que câest assez rare de lancer une boite qui fonctionne, tout en Ă©tant Ă©tudiante et que je pouvais partager cette expĂ©rience aux autres. Avec Alice, jâai créé une entreprise comme un laboratoire Ă idĂ©es. On a fait plein de choses avec des succĂšs et beaucoup dâĂ©checs, mais trĂšs vite, jâai eu envie dâĂȘtre Ă 300% dans mon propre projet, My Lubie, qui est nĂ© de ce laboratoire Ă idĂ©es.
De quel constat est né le projet My Lubie ?
Ce qui mâanime dans lâentrepreneuriat, câest de faire changer les choses, apporter du plaisir aux gens. Jâhabite Ă cĂŽtĂ© de Pigalle et jâĂ©tais vraiment frustrĂ©e de me rendre compte que le marchĂ© du bien ĂȘtre sexuel Ă©tait dominĂ© par deux mastodontes (Durex et Manix), et quâaucune marque ne me donnait envie.. Jâaime bien consommer des petites marques saines et engagĂ©es, faire attention Ă ce que jâachĂšte. Je suis aussi convaincue que la sexualitĂ© est belle dans sa diversitĂ©, et â en 2019 â jâavais le sentiment que ce marchĂ© nâavait pas passĂ© le cap de la modernisation !
Votre campagne de crowdfunding sur Ulule a atteint plus de 1700 commandes en moins de 30 jours avec votre premier produit : le lubrifiant naturel et vegan fabriquĂ© en France. Quel est rĂŽle de votre communautĂ© dans lâaventure My Lubie ?
Pour moi, câĂ©tait important de crĂ©er des produits non genrĂ©s et de proposer une marque qui constitue un safe place, un espace oĂč tu peux partager, ne pas ĂȘtre jugé⊠Je pense quâen France, il y a un vrai manque de pĂ©dagogie sur ces sujets : on fait comme si avoir une vie sexuelle Ă©panouie Ă©tait un impĂ©ratif et une norme, mais personne ne nous lâapprend ! La plupart de nos consommateurs Ă©taient obligĂ©s de commander aux Etats-Unis pour trouver des produits qui leur ressemblent !
Avec My Lubie, on co-construit vraiment la marque avec la communautĂ©. Ce sont les consommateurs qui nous font remonter leurs besoins. On reçoit dâailleurs un nombre de demandes impressionnant ! Par exemple, on a rĂ©cemment sondĂ© la communautĂ© avec un questionnaire de plus dâune dizaine de minutes et on a obtenu plus de 800 rĂ©ponses ! En mĂȘme temps, je pense quâon rĂ©pond Ă un vrai manque en abordant lâensemble des problĂ©matiques et sujets intimement liĂ©s au sexe. Aujourdâhui, notre gel intime et notre huile au CBD peuvent par exemple soulager les personnes atteintes de vaginisme ou de dyspareunies et la communautĂ© nous fait de supers retours Ă ce propos ! Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on fait de rĂ©els efforts pour impliquer notre communautĂ© au maximum, par exemple on leur envoie des Ă©chantillons pour quâils nous disent ce quâils prĂ©fĂšrent. La prochaine Ă©tape, câest la crĂ©ation dâun â club plaisir â, oĂč seront reprĂ©sentĂ©s des personnes avec une vraie diversitĂ© de sexualitĂ©s, dâorientations sexuelles, dâĂąges, dâenvies⊠Comme un board mais avec notre communautĂ© ! Pour ĂȘtre au plus inclusif possible et ne laisser personne de cĂŽtĂ©.
Quels sont les principaux freins que tu as rencontrĂ© au commencement de lâaventure en tant que femme, en France, qui adresse un sujet du domaine de la sextech ? Comment expliques-tu ces blocages et tabous ? Constates-tu une Ă©volution ?
Ce quâil faut bien comprendre, câest que le marchĂ© du bien ĂȘtre intime souffre de blocages dans tous les sens ! Les nombreux tabous au sein de la communautĂ©, combinĂ©s Ă la frilositĂ© importante des institutionnels et des fonds, soulignent le besoin dâĂ©duquer Ă ces sujets.
Notre expĂ©rience auprĂšs des VCs a Ă©tĂ© difficile : on Ă©tait assez jeunes, on nâest pas un produit tech⊠Et les investisseurs sont encore timides sur ce marchĂ©, souvent associĂ© Ă tord Ă de la porntech ! Mais on a levĂ© un peu dâargent auprĂšs de supers BAs et on est hyper heureux de notre board !
On constate aussi une vraie Ă©volution des mentalitĂ©s : au dĂ©but de lâaventure, en 2019, on me prenait pour une folle, maintenant câest diffĂ©rent. En soirĂ©e, les gens me posent mille questions sur le projet, on ne se moque plus, au contraire ! LâincomprĂ©hension vient plutĂŽt du monde institutionnel, les banques ou les assurances par exemple.
Quid de la charge mentale ? Comment fais-tu pour conjuguer au mieux les différents aspects de ta vie pro et perso ?
On nâen parle pas assez, câest hyper Ă la mode dâĂȘtre entrepreneur mais ce nâest pas facile ! Je pense que tout se joue dans la tĂȘte, se dire que tout le temps passĂ© loin de ton portable ou de ton ordi est du temps prĂ©cieux ! Jâessaye de me garder du temps pour dĂ©connecter : lire des bons livres, faire du sport, voir mes amis, me connecter Ă moi-mĂȘme.. Je ne mâimpose pas de rĂšgles : si je veux travailler le week-end, je le fais, en revanche, si je suis dâhumeur Ă faire autre chose, je ne me bride pas !
Femme x Entrepreneuse : quel est le plus gros cliché auquel tu as été confronté ?
Excellente question ! Un exemple classique est ce que jâai souvent pu entendre du cĂŽtĂ© des banquiers : âVu que tu es une femme, tu ne comprends rien aux chiffres, tu ne sais pas ce que câest un business plan ou un compte de rĂ©sultat.â
Sauf que jâai quelques bases (de par mes Ă©tudes) et jâai dĂ©jĂ eu lâhabitude de gĂ©rer ça pour mes premiĂšres boĂźtes. Et rajoute Ă cela une entreprise dans le bien ĂȘtre intime, les banquiers croyaient que câĂ©tait du porn. Au final, leurs refus mâont boostĂ©e car je nâaurais pas voulu travailler avec des personnes aux idĂ©es si prĂ©conçues !
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